La nature est incroyable et nous en avons encore la preuve avec le poisson archer qui a une technique bien particulière pour attraper ses proies : il utilise l’eau comme des harpons qu’il crache sur de petits insectes afin de les déstabiliser pour les faire tomber à sa portée et les manger. DGS vous présente cette incroyable espèce qui a tout compris de la physique et vous explique en détails sa technique d’attaque. 

Les Toxotes, appelés plus communément poissons archers, sont des espèces de poissons incroyables à la technique de chasse vraiment particulière. En effet, ils attendent patiemment à la surface de l’eau des rivières qu’un insecte atterrisse sur une plante se situant juste au-dessus d’eux. À ce moment-là, ils font jaillir de leur bouche un jet d’eau qui touche immanquablement leur cible. Ainsi, l’insecte déstabilisé tombe à l’eau et le poisson archer qui attendait en dessous n’a plus qu’à l’avaler.

Dit comme ça, c’est déjà très impressionnant mais le détail de cette technique l’est encore plus, puisque lorsque le poisson crache l’eau, ses yeux sont sous l’eau, or, la lumière qui entre dans l’eau devrait normalement aveugler le poisson archer qui deviendrait donc incapable de bien viser sa proie. En effet, lorsque le poisson perçoit un insecte dans un angle de 45° celui-ci se situe en réalité dans un angle de 25°, mais ces espèces de poissons sont capables de corriger cet « handicap » de perception.

Au problème de lumière, vient aussi s’ajouter le problème de gravité : eh oui, son jet d’eau ne va pas « tout droit » puisque le centre de gravité de la Terre le fera forcement retomber. Le poisson archer comprend cela et calcule donc le trajet de son jet en tenant compte de cette variable.

Mais ce n’est pas tout, la trajectoire et la vitesse du jet d’eau qui va de la bouche du poisson jusqu’à sa proie est aussi très surprenante comme le montre la vidéo juste en dessous qui a été analysée avec le logiciel Tracker.

L’attaque dure environ 4 centièmes de secondes, 10 fois plus rapide qu’un clignement d’oeil. Elle est tellement rapide que le jet d’eau n’a pas le temps de « tomber », ce qui explique que la courbe semble être en ligne droite et non pas en parabole. Mais jetons-y un oeil de plus près… Voici un graphique qui retrace la trajectoire du jet. Sa position est mesurée en mètres sur l’axe vertical et le temps est mesuré en secondes sur l’axe horizontal. Lorsque l’on regarde seulement la première moitié de sa trajectoire, on s’aperçoit que la vitesse du jet est de 2,88 mètres par seconde.

La seconde moitié de ce graphique révèle quant à elle une vitesse de 3,27 mètres par seconde. Eh oui, le jet d’eau accélère au fur et à mesure de sa trajectoire ! Ce qui est plutôt étonnant lorsque l’on considère le fait que plus quelque chose monte, plus cette chose perd normalement de la vitesse au fur et à mesure de sa course à cause de la gravité terrestre.

Mais comment cela est-il possible ?

Tout d’abord, lorsque le poisson archer  jette l’eau de sa bouche, il s’assure que la fin de la « queue » du jet soit plus rapide que son début… Pour vous aider à comprendre, imaginez des personnes qui font la queue et que les personnes se trouvant derrière commencent à pousser vers l’avant. Tout le monde se retrouverait alors serré les uns contre les autres dans un espace plus petit et donc la queue s’élargirait. Il en va de même pour le jet d’eau qui va donc avoir tendance à s’aplatir, bien qu’il soit plus rapide au fur et à mesure de sa course.

Pourtant, ce phénomène n’est pas bon pour le poisson archer puisqu’il a besoin d’une puissance maximale dans son jet pour pouvoir étourdir sa proie et la faire tomber, puisque plus l’eau va s’étaler, plus elle va perdre de sa puissance de frappe… Heureusement, il tire profit d’une seconde loi de la physique que vous avez sûrement déjà pu remarquer dans votre salle de bain avec l’eau qui coule le long du robinet, se brisant parfois en de petites gouttes d’eau. Ce phénomène s’appelle « l’instabilité de Plateau-Rayleigh ». Si vous regardez de plus près n’importe quel flux d’eau, vous y verrez de petites irrégularités. C’est la tension superficielle, qui est la tendance qu’ont les minuscules molécules d’eau à être attirées les unes par les autres, qui crée ces irrégularités et qui fait en sorte qu’elles s’agrandissent jusqu’à se concentrer en une goutte. À mesure que ce phénomène se produit, le bras d’eau qui retient la goutte au robinet (par exemple) rétrécit de plus en plus.

Ces deux mécanismes séparés l’un de l’autre ne sont pas réellement utiles au poisson archer. Une fois combinés en revanche, ils ont un puissant impact. Le jet d’eau devrait se diviser en gouttes en raison de la tension superficielle, mais le poisson archer a veillé à ce que les gouttes de l’arrière se déplacent plus vite que celles de l’avant. Lorsque ces « gouttes rapides » rattrapent les plus lentes de devant, elles se mélangent et créent ainsi une « super-goutte » plus massive, qui se déplace plus rapidement et qui frappe la cible avec une force plus importante dans un court laps de temps. L’énergie qui était déployée sur un flux d’eau se retrouve donc concentrée en une seule goutte.

Ce poisson est incroyable, il maîtrise les physiques du mouvement, de la gravité, de l’optique et de la dynamique des fluides pour chasser ses proies. Un véritable petit physicien à nageoires ! La nature n’aura vraiment de cesse de nous surprendre… À la rédaction, nous avons trouvé totalement dingue le fait qu’un « simple » poisson puisse tenir compte d’autant de paramètres physiques pour pouvoir chasser. Auriez-vous imaginé qu’autant de génie se cache dans un petit poisson ?

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