Entre tradition et minimalisme, l’Ikebana est l’art de la composition florale. Elle dénote de ce qu’on peut trouver en Occident avec des combinaisons qui mettent l’accent sur les couleurs. Ici, il s’agit de rapprocher l’homme et la nature en jouant sur les formes et les volumes de la plante. Une pratique qui se déroule dans le silence afin de se rapprocher de la nature et de faire une introspection sur notre humanité.

L’Ikebana est l’un des arts traditionnels japonais les plus anciens. Pratiqué depuis des siècles, l’art trouve son origine dans les rituels bouddhistes où il est de coutume d’offrir des fleurs aux esprits des morts. Les moines ont commencé à décorer les autels des temples pour honorer le Bouddha durant la période Heian (794-1192) et les populations commençaient alors à apprécier le fait d’avoir des plantes en intérieur sans que cela soit relié à un culte ou rituel. L’aristocratie en particulier se passionne pour la pratique comme en témoignent les écrits de l’époque.

Si les premiers honneurs au Bouddha se faisaient uniquement avec les pétales, ce sont les Japonais qui incluent les contenants dès le Xe siècle en tant qu’offrande. Avec la période Kamakura (1192-1333), l’élite guerrière des samouraïs s’empare du pouvoir et transforme le style de vie des Japonais avec des changements influant sur tous les éléments de la vie quotidienne, y compris la décoration où les fleurs gagnent en popularité. C’est durant la période suivante dite de Muromachi (1333-1573) que l’Ikebana tel qu’on le connaît est véritablement fondé.

On rattache la création de cet art au Rokkaku-do, un temple bouddhiste de Kyoto qui développe énormément l’art durant ces siècles. Au XVe siècle, les arrangements floraux sont achetés et pratiqués par la population générale et l’art perd de sa souplesse pour devenir une pratique codifiée. La pratique est structurée dans des écrits de l’époque alors que les Japonais sacralisent la tradition en intégrant des tokonoma dans les foyers. Il s’agit d’une petite alcôve légèrement surélevée du tatami où y sont exposés des Ikebana, des calligraphies ou des statuettes.

L’Ikebana devient l’attraction de certains festivals comme le Tanabata, aussi appelé fête des étoiles et se déroulant durant la septième nuit du septième mois, à la rencontre de Vega et Altaïr, deux amoureux habituellement séparés par la Voie lactée. On organise alors des compétitions d’arrangements floraux et les gagnants sont inscrits dans des registres gardés précieusement au Rokkaku-do. Les organisateurs et maîtres de l’art imposaient des règles à suivre et donnaient le matériel nécessaire à la création, qui devait être effectuée dans un ordre précis et d’une manière impeccable.

LES TROIS TIGES REPRÉSENTENT LE PARADIS, L’HOMME ET LA TERRE

Dans les premières formes traditionnelles, la composition devait être formée d’une haute pièce centrale verticale accompagnée de deux tiges plus courtes. Ces trois tiges représentaient le paradis, l’homme et la Terre. Se forment alors différentes écoles, dont celle de l’Ikenobo en 1545 qui reste la plus connue et la plus influente dans le sens où elle a engendré tous les autres styles de façon directe ou indirecte. Au fur et à mesure que l’époque féodale s’installe au Japon, les châteaux sont décorés de pièces florales monumentales, installées par des maîtres de l’art.

Parallèlement aux arrangements, les écoles fleurissent dans le Japon, qui en comptabilise aujourd’hui plus de trois mille, chacune avec ses codes, ses formes, ses couleurs et son symbolisme. L’école Ikenobo fut fondée par un moine du Rokkaku-do, si talentueux pour la composition florale que tout le monde le voyait déjà comme le maître sans pareil. Vivant près d’un lac, c’est de là que viennent son nom et celui de son école (ikenobo se traduisant par le moine du lac). Le style rikka prend le devant de la scène à l’époque féodale avec un style vertical, expression de la beauté de la nature dans la philosophie bouddhiste.

On reconnaît une pièce de style rikka par ses sept branches, symbolisant différents éléments d’une scène naturelle : le sommet, le mont, la cascade, un village au bord de l’eau, une vallée, la face éclairée de la scène et la face ombragée de la scène. La cérémonie du thé, elle-même engendrée par le bouddhisme, fonde un nouveau style pour orner les chambres de la cérémonie. On appelle ce style chabana et se caractérise par sa simplicité et sa concordance avec les saisons. Le pratiquant choisit d’abord la fleur puis le contenant, le tout devant évoquer un jardin naturel.

Au XXe siècle sont apparus des styles plus libérés comme le moribana avec une structure basique et un empilement de fleurs ou encore le nageire, qui reprend la verticalité de l’ikenobo avec des contenants étroits, parfois même avec une seule fleur et censé représenté la sensibilité et l’adaptabilité de la nature. Car c’est toujours de la nature dont il s’agit. Celle du monde extérieur, mais aussi celle de notre intérieur. Ikebana signifie avant tout donner vie aux fleurs, les faire parler pour qu’elles nous montrent la voie vers la sagesse et la tranquillité. Le pratiquant doit apprendre le langage de la plante pour en comprendre sa philosophie.

APPRENDRE LE LANGAGE DE LA PLANTE POUR EN COMPRENDRE SA PHILOSOPHIE

Comme la plupart des arts traditionnels japonais, l’Ikebana trouve sa source dans le développement du bouddhisme sur l’archipel. Transformée pendant des siècles puis codifiée, la pratique engendrera un éventail d’écoles qui auront toutes un style particulier symbolisant leur pensée. De nos jours, l’Ikebana est toujours pratiqué pour les nombreuses fêtes et rites de passage de la vie et son enseignement fait partie intégrante de la culture japonaise.

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