Le genre poétique du haïku a moins de quatre cents ans, mais ses racines sont bien plus anciennes et remontent à l’arrivée du bouddhisme au Japon amenant les premières ramifications de la poésie japonaise. Éternellement associé à l’oeuvre de Basho au XVIIe siècle, le haïku fut ensuite popularisé par Shiki au XIXe siècle avant de conquérir le coeur des artistes occidentaux avec l’ouverture de l’archipel au reste du monde.

L’époque de Heian (794 – 1185) est capitale pour la majorité des arts japonais, car elle se caractérise par une période de paix où le Japon reçoit l’influence chinoise et développe sa propre culture. Dans la cour impériale comme dans les familles éduquées, la connaissance de la poésie chinoise et japonaise était vue comme une chose essentielle. Ce sont ces échanges qui donnent naissance à des formes de poésie diverses, parfois longues avec le choka et parfois courtes avec le tanka. Dans tous les cas, en pleine tradition japonaise, le poème devait respecter des règles strictes pour qu’il maintienne une forme propre.

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C’est à ce moment qu’apparaissent les poèmes en trois vers, avec respectivement cinq, sept et cinq syllabes. L’élite se donne à coeur joie de réciter des poèmes et organise même des soirées où chacun peut réciter les siens afin de les apprécier et de les comparer. Les premières formes de ce genre de poésie portaient alors le nom de haïkaï (ou hokku) et se reconnaissent par leurs tournures humoristiques censées amuser les convives lors des soirées et des joutes poétiques. Ainsi, les Japonais s’autorisaient quelques libertés contrastant avec les genres traditionnels plus rigides.

Le premier verset du haïkaï respectait les cinq, sept et cinq syllabes, mais était suivi d’un second passage de quatorze syllabes et d’un dernier de dix-sept. Le haïku se veut plus concis et fait en fait référence au premier verset du haïkaï. Celui qui change le destin de cette forme poétique qui n’avait pas encore véritablement d’appellation, c’est Matsuo Basho (1644 – 1694), que l’on retrouve la plupart du temps sous le nom de Basho. Révolutionnant le paysage poétique japonais, il insère une nouvelle sensibilité à travers son concept de karumi (légèreté), quitte à se distancer de toutes les règles préalablement établies.

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L’idéal du haïku se rapproche de la philosophie zen où l’instant présent et n’importe quel élément de la vie peuvent englober toute la sagesse de l’existence. Il s’agit avant tout d’offrir au lecteur une observation naturelle avec les mots les plus simples qui soient. Le plaisir de l’instant présent et la recherche de la sagesse dans la solitude et le détachement se retrouvent d’ailleurs dans la majorité des arts influencés par le zen, comme la cérémonie du thé. Le style de Basho est appelé shofu et se caractérise par la suggestion de choses pas explicitement nommées.

Le haïku commence avec un mot de saison (kigo), c’est-à-dire un élément naturel, suivi d’une césure (kireji) avec la dernière suggestion. L’exemple le plus connu de Basho reste certainement celui-ci :

Un vieil étang
Une grenouille plonge
Le bruit de l’eau

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Basho écrira plus de deux mille haïkus avant de laisser la place dans l’histoire de la littérature japonaise aux trois autres grands maîtres du genre, en commençant par Buson (1716 – 1783) qui change le modèle de Basho en proposant des descriptions plus classiques. Le deuxième poète à retenir, c’est Issa (1763 – 1823) qui, lui, comptabilise environ vingt mille haïkus. Prolifique au possible, son style se caractérise par le romantisme et les sentiments personnels plutôt que le descriptif. Le dernier se nomme Shiki (1867 – 1902), le père du haïku moderne qui infuse le genre de tranches de vie et de descriptions naturelles. Idéalement, le haïku sera écrit à partir d’une expérience personnelle plutôt que par une scène fictive.

 

Le haïku cristallise la philosophie zen en saisissant les instants invisibles de la vie. Les poèmes sont toujours simples, mais demandent toute l’attention du lecteur pour qu’il puisse en saisir la pureté. Tirant son origine dans les vieilles formes du tanka puis du haïkaï, le haïku a largement évolué au fil des quatre derniers siècles marqués par quatre différents maîtres du genre.

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