Une sociologue américaine a tenté de dissimuler sa grossesse sur Internet pour échapper au ciblage publicitaire. Seulement, cette dernière a été suspectée d’être potentiellement engagée dans des activités criminelles. DGS vous présente cette histoire qui dénonce la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui.

La sociologue Janet Vertesi, professeur à l’université de Princeton, a complètement renoncé à figurer dans les bases de données d’entreprises privées dans le but de les empêcher de découvrir qu’elle était enceinte (et de leurs vendre des produits liés à sa grossesses). Pour ce faire, Janet a usé de divers subterfuges.

Tout d’abord elle a commencé par effacer toutes traces d’elle sur Internet, en commençant par les réseaux sociaux qui sont une véritable mine d’or pour les marques, récoltant ainsi toutes les données nécessaires pour enrichir leurs bases de données privées de la personne. Elle a donc demandé à tous ses amis de ne faire aucune mention de sa grossesse et de la naissance de son petit. Malgré ses avertissements, son oncle lui a laissé un message de félicitations qu’elle s’est donc empressée de supprimer.

Mais ce n’est pas tout puisque la jeune femme s’est également servie du logiciel Tor, permettant de sécuriser et d’anonymiser ses activités sur Internet, pour se rendre sur un site consacré aux bébés, elle témoigne : « Je n’aurais pas pu le faire sans Tor, car c’est le seul moyen de naviguer sur Internet sans être tracée. Je sais qu’il a mauvaise réputation à cause du commerce de Bitcoins ou de la drogue mais moi c’était pour accéder au site web babycenter.com ». Elle a aussi pensé à ne jamais utiliser sa carte bancaire et ses cartes de fidélité pour régler ses achats liés à son accouchement imminent. Pour payer ses achats, la jeune femme n’a utilisé que de l’espèce : « Nous avons fait tous nos paiements en liquide », précise-t-elle. Quant à ses achats sur Internet, Janet utilisait des cartes cadeaux Amazon, son compte était relié à une adresse mail qu’elle a crée pour l’occasion et les colis étaient envoyés dans un relais et non à son propre domicile pour garder l’anonymat le plus complet.

Le fait d’acheter sur le site Amazon avec des cartes cadeaux a valu au couple une notification de la chaine de pharmacie Rite Aid qui disait : « Sachez que Rite Aid se réserve le droit de limiter le nombre d’achats journaliers en carte prépayée et a une obligation de signaler des transactions excessives aux autorités ».

Seulement, en agissant ainsi, Janet a envoyé des signaux forts qui ont permis d’alerter la société et de faire d’elle une potentielle suspecte. « Tout ce que j’ai fait pour cacher que j’attendais un enfant me désignait en fait comme une personne impliquée dans des activités criminelles. Plus vous résistez au traçage, plus vous êtes considéré comme un « mauvais citoyen ». Il faut que nos échanges et nos transactions au quotidien restent de simples transactions et non un moyen de surveillance », s’inquiète-t-elle.

En mettant en évidence les systèmes de traçabilité des consommateurs et des citoyens, Janet a prouvé de part son expérience l’importance de ce qu’on appelle le « big data ». Ainsi, le simple fait de ne pas se tenir aux rails installés par les géants du web tels que Google, Amazon, Facebook, etc… est synonyme de « comportement immoral voire criminel ».

Il est très important de nuancer aussi l’expérience de Janet en prenant la posture du gouvernement. Les outils de l’Etat sont certes plus impressionnants que jamais et le côté « Big Brother » a de quoi faire froid dans le dos mais malgré tout, ce sont les autorités qui sont aux premières lignes du terrorisme et de la criminalité. Dans la réalité de notre société, l’attitude de Janet a été détectée comme « marginale » et donc de plus en plus suspecte, particulièrement pour avoir voulu acheter tous ces besoins en liquide ou en cartes cadeaux, ses actions s’associaient ainsi à un possible blanchiment d’argent. Tous les voyants étaient dans le rouge et les sociétés privées ont également joué leur rôle en alertant le gouvernement d’un comportement potentiellement criminel.

En Europe, nous avons des protections en matière de vie privée plus importantes que celles des Etats-Unis, malgré tout nous restons exposés à la surveillance des états. Cette expérience reste pleine d’enseignements sur la protection de notre vie privée ! La difficulté étant de trouver l’équilibre entre la sécurité et la liberté – de transmettre ou non nos informations personnelles. Benjamin Franklin disait « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ». Quel est votre point de vue sur cette question délicate, entre liberté et sécurité ?

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