Depuis longtemps, les chercheurs travaillent sur la culture de divers tissus et organes entiers en laboratoire, pour faire face à une pénurie chronique d’organes de donneurs. Plus récemment, des scientifiques ont utilisé avec succès des feuilles d’épinards pour construire le tissu du cœur humain, avec des veines transportant le sang.

 

D’une simple feuille d’épinard à un tissu cardiaque vivant

Il est notoirement difficile de construire un réseau de vaisseaux sanguins fins (également appelés vasculature), surtout lorsqu’il s’agit de vaisseaux capillaires, qui mesurent seulement 5 à 10 micromètres de large. Les vaisseaux sanguins transportent l’oxygène et les éléments nutritifs, un échantillon de tissu cultivé en laboratoire doit pouvoir faire de même.

Une équipe dirigée par des scientifiques de l’Institut polytechnique de Worcester (WPI) a réussi à transformer une feuille d’épinard en tissu cardiaque vivant en utilisant le minuscule réseau de veines que vous pouvez trouver dans une plante.

 » Les plantes et les animaux exploitent des approches fondamentalement différentes pour le transport des fluides, des produits chimiques et des macromolécules, mais il existe des similitudes surprenantes dans leurs structures de réseaux vasculaires « , écrivent les scientifiques dans leur article.

 

Comment ont procédé les chercheurs pour obtenir une telle transformation ?

Au lieu d’essayer de construire un système vasculaire à partir de rien, les chercheurs ont préféré dépouiller des feuilles d’épinards de leur matière végétale verte, afin qu’il n’en reste que la structure de cellulose fine qui permet de maintenir la feuille. La cellulose des plantes est un excellent matériau à utiliser dans les échantillons cultivés en laboratoire, car elle a bien été étudiée, est compatible avec les tissus vivants, et est très accessible, car beaucoup de plantes sont abondantes et faciles à cultiver. Pour cette étude, les scientifiques ont acheté des épinards sur le marché local. Pour accéder à la structure vasculaire fine des épinards, l’équipe a fait circuler une solution détergente à travers les feuilles pour laver les cellules de la plante dans un processus appelé décellularisation.

 » J’avais déjà fait des travaux de décellularisation sur des cœurs humains, et quand j’ai regardé la feuille d’épinard, sa tige m’a rappelé une aorte « , explique Joshua Gershlak, chercheur principal de l’étude.  » Je me suis dit, nous allons perfuser à travers la tige. Nous n’étions pas sûrs que cela fonctionnerait, mais la tâche s’est avérée assez facile et reproductible. Cela fonctionne dans de nombreuses autres plantes.  »

Les chercheurs s’attendent à ce qu’avec de nouvelles recherches, il soit possible de choisir différentes plantes pour différents tissus. Par exemple, la structure du bois  » pourrait être utile dans l’ingénierie osseuse « . Mais ils ont préféré utiliser des épinards grâce à leur forte concentration de vaisseaux, comme le tissu cardiaque.

 

Quels résultats ont-ils observé ? 

Les chercheurs ont ensemencé la structure vasculaire de la feuille de salade avec les cellules du muscle cardiaque, et ont été enthousiasmés de voir qu’en quelques jours, les cellules cardiaques ont commencé à se contracter spontanément comme elles le feraient dans le tissu humain.

 » Nous avons ce morceau très mince de tissu qui a déjà un réseau vasculaire, nous devrions donc être en mesure d’empiler potentiellement de multiples feuilles et de créer un morceau de tissu cardiaque « , explique Gershlak.

Les transplantations de tissus cardiaques sont utiles pour les patients qui ont endommagé leurs propres tissus à tel point qu’ils ne se contractent plus, ce qui peut se produire après une crise cardiaque. Jusqu’à présent, cette étude n’est qu’une démonstration de faisabilité, l’équipe cherchant toujours comment l’intégrer à des tissus cardiaques humains vivants, et ne savant pas s’il y aurait une réponse immunitaire. Toutefois, les chercheurs sont très optimistes, et vous laissent contempler leur travail à travers cette vidéo :

 

Une pratique déjà connue de la communauté scientifique

Ce n’est pas la première fois que les scientifiques se tournent vers les plantes pour faire croître des tissus. Le Laboratoire Pelling de l’Université d’Ottawa, au Canada, avaient cultivé des cellules cancéreuses humaines sur un morceau de pomme pour former une oreille. Plus récemment, le mois dernier, des chercheurs ont réussi à faire pousser une rose « cyborg » en intégrant des circuits électriques dans la tige et les feuilles.

L’utilisation de feuilles d’épinards n’est pas non plus la seule approche pour créer des réseaux de vaisseaux sanguins pour les tissus humains. En effet, les scientifiques ont même cherché à utiliser l’impression 3D pour la création de vaisseaux sanguins, pour lesquels l’impression d’un réseau entier est encore limitée.

L’avenir nous dira laquelle de ces approches sera la plus adaptée à une pratique sur l’Homme.

Les cellules humaines ont été cultivées dans la cellulose du fruit.
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