A l’heure des débats sur le climat, nombreux sont les rapports qui dénoncent les conséquences du changement climatique. L’un d’entre eux met en exergue un lien étroit entre changement climatique et pauvreté. En effet, les experts de cette étude en sont certains : si nous ne trouvons pas de solutions rapides et concrètes contre le réchauffement climatique, il pourrait, à lui seul, pousser 100 millions de personnes à passer sous le seuil de pauvreté d’ici à 2030 ; ce chiffre atteignant même 1 milliard dans la vision la plus pessimiste. DGS vous dit tout sur cette étude qui devrait tous nous alerter ! 

Lorsque l’on entend parler de changement climatique, nous pensons généralement à la hausse des températures, la montée du niveau de la mer et l’augmentation des risques de catastrophes naturelles – mais si le changement climatique engendrait aussi la pauvreté ?

Une nouvelle étude menée par le Groupe de la Banque mondiale (qui a pour objectif principal de mettre fin à l’extrême pauvreté) l’affirme ! Celle-ci prédit que sans un développement intelligent face au climat et une réduction efficace des émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique pourrait forcer plus de 100 millions de personnes à passer sous le seuil de pauvreté d’ici 2030 – allant jusqu’à 1 milliard de personnes dans le pire des cas.

CHANGEMENT CLIMATIQUE ET PAUVRETÉ SONT INTRINSÈQUEMENT LIÉS

En somme, cela signifie que le changement climatique pourrait contrecarrer les lourds efforts mondiaux pour résoudre la pauvreté dans le monde. L’ONU devrait donc avoir un nouvel objectif de développement durable afin d’éradiquer l’extrême pauvreté dans les 15 prochaines années. L’objectif de la Banque mondiale est de réduire le nombre de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,77 € par jour), afin qu’il atteigne moins de 3 % de la population mondiale d’ici à 2030. Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale, a annoncé au début du mois d’octobre lors des assemblées annuelles à Lima (au Pérou), que ses collaborateurs prédisent que le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté va tomber sous la barre des 10 %, représentant 702 millions de personnes, cette année. Mais faut-il encore prendre en compte ce nouveau constat : changement climatique et pauvreté sont intrinsèquement liés.

« Le rapport aborde clairement deux des enjeux déterminants de notre génération – le premier : l’éradication de la pauvreté, et le second : faire face au changement climatique », résume John Roome, directeur principal pour le changement climatique au sein du Groupe de la Banque mondiale.

Le lien entre changement climatique et pauvreté 

Il est bien connu que les populations pauvres et les pays à faible revenu sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Les personnes pauvres perdent davantage, en comparaison aux personnes à revenu moyen et élevé. Ils sont plus exposés aux catastrophes naturelles, comme les inondations, qui peuvent détruire leurs seuls actifs et moyens de subsistance, et augmenter également la menace de maladies d’origine hydrique (liées à l’insalubrité de l’eau), telles que le paludisme et les maladies diarrhéiques.

Les populations pauvres sont également sujettes à une diminution du rendement des cultures en raison de la diminution des précipitations dans certaines régions, ainsi que des flambées des prix des denrées alimentaires suite à des événements météorologiques extrêmes.

 

Une étude qui devrait raviver les débats sur l’environnement

Cette nouvelle recherche sur la gestion de l’impact du changement climatique sur la pauvreté est unique. Elle met en lumière le lien entre le changement climatique et la pauvreté au niveau des ménages, au lieu de ne s’intéresser que de manière générale aux économies nationales.

CETTE NOUVELLE RECHERCHE SUR LA GESTION DE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA PAUVRETÉ EST UNIQUE

Stéphane Hallegatte, économiste et principal auteur du rapport, a déclaré qu’ils ont utilisé une base de données de plus de 1,4 million de familles dans 92 pays, en étudiant les impacts du changement climatique sur chaque famille à travers les catastrophes naturelles, la santé et l’agriculture.

Roome a ajouté que le rapport démontre l’urgence de poursuivre les efforts pour réduire la pauvreté ainsi que la vulnérabilité des personnes pauvres au changement climatique. Le Groupe de la Banque mondiale espère que les résultats pourront servir de toile de fond à certains des dialogues qui auront lieu, par exemple lors de la COP 21 qui s’est tenue à Paris en 2015. Des débats qui déterminent beaucoup sur l’avenir de notre planète et de ses habitants.

 

Les différents scénarios possibles déterminés par l’étude 

Il existe un scénario pessimiste, que le Groupe de la Banque mondiale appelle « le scénario de la pauvreté » et qui ressort de ce rapport. Celui-ci explique que la proportion de personnes vivant dans l’extrême pauvreté restera plus ou moins constante en 2030 – scénario où l’objectif ne sera donc pas atteint. En raison de la croissance démographique, ce scénario prévoit 900 millions de personnes vivant dans la pauvreté d’ici 2030, sans compter les 100 millions de personnes forcées de vivre dans la pauvreté à cause du changement climatique. En comparaison, il faut savoir que 902 millions de personnes vivaient dans l’extrême pauvreté en 2012, et que les efforts mondiaux lors des trois dernières années ont réduit ce nombre à 200 millions.

Le scénario optimiste, d’autre part, appelé le « scénario de prospérité », prend en compte la réussite de réduction et même d’éradication de l’extrême pauvreté, d’ici 2030. Il estime aussi que les gens auront également accès aux services de base comme l’eau potable, l’assainissement et l’électricité. Dans ce scénario, moins de 150 millions de personnes vivraient sous le seuil de pauvreté, ainsi le changement climatique pousserait moins de 20 millions de personnes supplémentaires à passer sous le seuil de pauvreté, car une plus large partie de la population aurait de meilleurs revenus et serait par la même mieux préparée aux catastrophes.

 

Les conséquences du changement climatique sur la pauvreté 

Il y a plusieurs points clés du rapport qui montrent les impacts néfastes du changement climatique sur la pauvreté en cas de scénarios pessimistes. Dans l’agriculture, le changement climatique pourrait entraîner des pertes globales de rendement des cultures jusqu’à 5 % d’ici 2030 et 30 % d’ici 2080. En ce qui concerne la santé, le réchauffement climatique de 2 à 3 degrés Celsius pourrait augmenter le nombre de personnes exposées au paludisme jusqu’à 5 % (plus de 150 millions de personnes) et augmenter le nombre de personnes touchées par la diarrhée jusqu’à 10 % d’ici 2030 dans certaines régions.

DE NOMBREUSES CATASTROPHES NATURELLES POURRAIENT ÊTRE ENGENDRÉES PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Enfin, de nombreuses catastrophes naturelles pourraient être engendrées par le changement climatique. Le nombre de personnes exposées à la sécheresse pourrait augmenter de 9 à 17 % en 2030 et de 50 à 90 % d’ici 2080. L’étude a également confirmé que les pauvres perdent plus par rapport aux personnes non pauvres. Par exemple, après l’ouragan Mitch de 1998 frappant le Honduras, les personnes pauvres ont perdu trois fois plus que les non-pauvres.

« Les populations pauvres ne reçoivent pas autant de soutien des amis et de la famille, du secteur financier et de la protection sociale », a déclaré Hallegatte. « Seulement 10 % des personnes pauvres dans les pays à faible revenu sont couvertes par des régimes de protection sociale. Quand [les personnes non affiliées] sont affectées, elles se retrouvent [souvent] seules dans la lutte pour récupérer [leur vie]. »

 

Quelles sont les populations touchées par cette pauvreté ?

Sans surprise, les régions actuellement avec les taux les plus élevés de pauvreté comme l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud seront les plus durement touchées par la pauvreté induite par le climat.

LES PRIX ALIMENTAIRES EN AFRIQUE POURRAIENT AUGMENTER DE PLUS DE 12% D’ICI À 2030

L’étude a révélé que les prix alimentaires en Afrique, où la consommation alimentaire des ménages les plus pauvres représente plus de 60 % des dépenses totales, pourraient augmenter de plus de 12 % d’ici 2030. Le changement climatique pourrait également pousser encore 45 millions de personnes vers l’extrême pauvreté d’ici 2030, seulement en Inde, en grande partie en raison des impacts sur l’agriculture et l’augmentation des maladies.

Les populations pauvres de ces régions sont aussi particulièrement exposées aux catastrophes naturelles et à leurs effets. « Si nous prenons le Nigeria, par exemple, nous constatons que les personnes pauvres sont 50 % plus susceptibles d’être touchées par une inondation, 130 % d’être affectées par la sécheresse et 80 % plus susceptibles d’être touchées par une vague de chaleur », a déclaré Hallegatte. « À Mumbai, après les inondations de 2005, les personnes pauvres ont perdu plus de deux fois plus que les non-pauvres. »

 

Une lueur d’espoir ressort tout de même de ce rapport 

Le rapport n’est pas si négatif, il fait des constats affligeants mais apporte aussi des solutions et de l’espoir. L’analyse du rapport prouve que le bon développement – rapide, prenant en compte le climat – peut prévenir la plupart des impacts du changement climatique sur la pauvreté d’ici 2030. Et il faut se souvenir que de nombreux programmes ont bel et bien réussi !

« NOUS VOYONS QUE NOUS FAISONS BEAUCOUP DE PROGRÈS DANS DES LIEUX DIFFÉRENTS »

Les programmes contre la faim au Kenya ont empêché une augmentation de 5 % de la pauvreté, suite à la sécheresse de 2011. Au Ghana, les réformes des subventions de l’énergie ont permis au pays de rendre l’éducation primaire gratuite. Le Rwanda a été en mesure de fournir une assurance santé à base communautaire à plus de 80 % de sa population en seulement quelques années. Et l’Inde a été en mesure de réduire considérablement le nombre de personnes tuées par des catastrophes naturelles en mettant en œuvre des systèmes d’alerte précoce.

« Dans ces cas, nous voyons que nous faisons beaucoup de progrès dans des lieux différents, et que ces progrès peuvent être reproduits dans d’autres pays pour nous assurer de réduire globalement les impacts du changement climatique, autant que possible », nous rappelle Hallegatte.

 

Des solutions concrètes face au changement climatique et à ses effets sur la pauvreté

Afin de compenser les 100 millions de personnes poussées sous le seuil de pauvreté par le changement climatique, Roome explique que des programmes de développement pour diminuer la population pauvre – comme des filets sociaux de sécurité, de santé universelle et l’accès au développement rural – doivent être accélérés.

En outre, des mesures de développement doivent prendre en compte les futures projections climatiques, pas des données simplement historiques. Il faut une augmentation des adaptations propres au climat, telles que les systèmes d’alerte précoce, des protections d’inondation naturelle et d’origine humaine, et des cultures plus résistantes au changement climatique (et qui ne soient pas pour autant nocives sur le long terme).

Si nous regardons au-delà de 2030, il sera peut-être trop tard pour trouver des solutions à un bon développement et à l’adaptation face au changement climatique. Voilà pourquoi nous devons agir maintenant. Une grande partie de la responsabilité incombe à la communauté internationale qui doit agir pour le développement urgent et (malheureusement) cher, comme l’arrêt de la déforestation ou en investissant dans le transport en commun dans les villes. Les populations ne pouvant pas le faire à leur place, elles sont pourtant souvent les premières à être touchées par ce changement climatique et ses conséquences dramatiques.

Pour sa part, la Banque mondiale a augmenté son financement pour le climat de 21 % à 28 %, portant le total à 29 milliards de dollars par an d’ici 2020.

Pleins de promesses, les hommes politiques se doivent aujourd’hui d’agir concrètement dans un effort global afin de mettre un frein au réchauffement climatique. Ce dernier a en effet des conséquences néfastes sur l’agriculture, la santé, et engendre même une partie de la pauvreté, comme le souligne ce rapport. Un constat accablant qui ne devrait que nous pousser à agir davantage ! Etes-vous prêt, vous aussi, à agir concrètement pour le climat ou pensez-vous qu’il est déjà trop tard ?

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