La manipulation de la génétique permet des prouesses technologiques de plus en plus incroyables. C’est notamment ce que montrent les travaux de chercheurs américains qui ont modifié des bactéries pour les faire répondre à certaines fonctions spécifiques. SooCurious vous présente cette nouveauté scientifique.

Des ingénieurs biologiques du MIT ont créé un langage de programmation qui leur permet de créer rapidement des circuits complexes encodés avec de l’ADN qui octroie à des cellules vivantes de nouvelles fonctions. Dès lors, en utilisant ce langage, il devient possible d’écrire un programme pour chaque fonction désirée, comme de détecter et de répondre à certaines conditions environnementales. Pour ce faire, il suffit de générer une séquence ADN adéquate.

ADN-shutterstock Un brin d’ADN via Shutterstock

Selon Christopher Voigt, professeur de génie biologique au MIT et qui a participé à ces travaux, « il s’agit littéralement d’un langage de programmation pour les bactéries ». Le chercheur ajoute également qu’il s’agit « d’un langage basé sur le texte, comme celui qui sert à programmer un ordinateur. Puis il est compilé et se transforme en séquence ADN qui est insérée à la cellule et fonctionne à l’intérieur d’elle. »

Ce type de programmation pourrait permettre plusieurs applications, comme la conception de cellules bactériennes capables de produire un médicament contre le cancer lorsqu’elles détectent une tumeur, ou la création de cellules de levure capables de mettre fin à leur propre processus de fermentation si trop de sous-produits toxiques s’accumulent.

 

Christopher Voigt :

Christopher-Voigt

Christopher Voigt et ses collègues de l’université de Boston et du National Institute of Standards and Technology ont utilisé ce langage pour construire des circuits destinés à certaines fonctions. Car au cours des 15 dernières années, les biologiques et ingénieurs ont conçu de nombreux composants génétiques, tels que des capteurs, des commutateurs de mémoire et des horloges biologiques qui peuvent être combinés pour modifier des fonctions cellulaires existantes et en ajouter de nouvelles.

Cependant, la conception de chaque circuit est un processus laborieux qui requiert une grande expertise, mais aussi beaucoup d’essais et d’échecs. « Il faut avoir une connaissance très intime de comment ces pièces vont fonctionner et de comment elles vont s’assembler », explique Christopher Voigt. Ainsi, en utilisant ce langage, les chercheurs ont programmé 60 circuits avec des fonctions différentes et 45 d’entre eux ont fonctionné correctement dès leur première utilisation.

ADN-shutterstock-2 Un brin d’ADN via Shutterstock

Le langage est basé sur Verilog, qui est couramment utilisé pour programmer les puces informatiques. Pour créer une version du langage qui fonctionnerait pour les cellules, les chercheurs ont conçu des éléments tels que des « portes logiques » et des capteurs qui peuvent être encodés dans l’ADN d’une cellule bactérienne. Selon Christopher Voigt, le plus grand défi fut la conception des 14 portes logiques utilisées dans les circuits de façon à ce qu’ils n’interfèrent pas les uns avec les autres une fois placés dans l’environnement complexe de la cellule vivante.

Les capteurs peuvent détecter des composés différents tels que l’oxygène ou le glucose, ainsi que la lumière, la température, l’acidité et d’autres conditions environnementales. Mais les utilisateurs souhaitant exploiter le langage peuvent également ajouter leurs propres capteurs. Et pour ce faire, les scientifiques à l’origine de l’interface de conception prévoient de la rendre disponible sur le Web. Ainsi, les utilisateurs du nouveau langage de programmation n’ont besoin d’aucune connaissance particulière en génie génétique pour l’exploiter.

La bactérie Escherichia coli :

Escherichia-coli

Dans la version actuelle du langage de programmation, les composants génétiques sont optimisés pour la bactérie intestinale Escherichia coli mais les chercheurs travaillent sur l’expansion du langage à d’autres souches de bactéries, comme les bactéroïdes, que l’on trouve dans les intestins humains, les pseudomonas, qui vivent souvent dans les racines de plantes, et la levure Saccharomyces cerevisiae. Cela permettrait aux utilisateurs d’écrire un seul programme puis de le compiler pour différents organismes pour obtenir la bonne séquence ADN pour chacun d’eux.

Un autre avantage de cette technique est sa rapidité. Car jusqu’à présent, il « aurait fallu des années pour concevoir ces types de circuits. Désormais, il suffit d’appuyer sur un bouton pour obtenir immédiatement une séquence ADN à tester », explique Voigt. Ainsi, en utilisant cette méthode, l’équipe prévoit de travailler sur plusieurs applications différentes, comme des bactéries pouvant être avalées pour faciliter la digestion du lactose, des bactéries pouvant vivre sur les racines des plantes et produire un insecticide si elles détectent que le végétal est attaqué, ou encore une levure conçue pour s’arrêter si elle génère trop de sous-produits toxiques dans un réacteur de fermentation.

 

La technique des chercheurs pourrait faciliter la digestion du lactose : 

Lait

Ce nouveau langage de programmation et les bactéries qu’il permet de concevoir sont réellement prometteurs. Car ils pourraient permettre de faire d’incroyables avancées dans les domaines de l’agriculture ou de la médecine, notamment. Si ce type de recherches vous intéresse, découvrez également ce biomatériau qui produit un carburant propre à partir d’une bactérie.

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