Des archéologues sont parvenus à déterrer une ancienne ville remontant à l’époque d’Alexandre le Grand en s’appuyant sur des photos prises par un satellite espion américain en pleine Guerre Froide. Eh oui, l’indiscrétion a du bon !

Restau-Route

Province de Sulainmaniya, dans le Kurdistan irakien. La ville de Qalatga Darband porte les traces d’anciennes habitations fortifiées que les scientifiques estiment remonter aux alentours de 300 avant J.-C. Les premières bâtisses auraient vu le jour en même temps qu’Alexandre le Grand menait ses troupes à la Bataille d’Issos, une victoire décisive contre  Darius III, le roi de Perse. Le chemin jusqu’en Turquie ne s’est pas fait en trois jours : renverser des empires est un travail éreintant et qui donne soif ! Et s’il y a bien une chose que nous ont appris tous les films sur les campagnes militaires, c’est que les soldats, ça picole !

« Vous pouvez facilement vous imaginer des habitants ravitaillant en vin les soldats de passage. »

John McGinnis, archéologue au British Museum, a confié au Times : « C’est un peu tôt pour s’avancer, mais nous pensons que la ville, située sur une route qui conduit de l’Irak à l’Iran, était en pleine effervescence ». Qalatga Darband aurait donc capitalisé sur sa position stratégique de carrefour, pour devenir une importance place commerciale exclusivement dédiée au vin. Si les origines de la ville sont douteuses, la richesse archéologique du site ne fait aucun doute. Afin de préserver au mieux les inestimables trésors archéologiques de la région de Daesh, McGinnis et son équipe ont été chargés de former les chercheurs irakiens à les repérer et les protéger. Le programme répond au délicieux nom de Iraq Emergency Heritage Management Training Schème; soit le Programme de formation et de gestion d’urgence au patrimoine irakien – c’est moins beau qu’en anglais…

La curiosité a du bon

Le sort de Qalatga Darband est étroitement lié à la guerre, qu’il s’agisse de sa naissance ou de sa résurrection. Dans les années 60, la guerre était radicalement différente des champs de batailles homériques; mais le recours aux espions à traversé les millénaires, sans jamais perdre de sa superbe. Avec les progrès technologiques de l’époque, l’espionnage s’est affiné, quitte à se robotiser complètement.

C’est dans le contexte très explosif de Guerre Froide que l’Oncle Sam lance le projet Corona, un vaste programme d’espionnage exclusivement destiné à l’URSS. C’est dans le cadre de ces opérations qu’un satellite américain photographie l’actuelle zone de fouilles. Les scientifiques ont du s’armer de patience pour mettre la main sur ces fameux clichés : les États-Unis ne les ont déclassifiés qu’à la fin de la Guerre Froide, dans les années 90.

« I believe I can fly »

Les conflits armés ont tenu les archéologues en échec pendant des décennies : impossible de se rendre sur place, impossible d’étayer leurs théories échafaudées sur la base des clichés Corona… La ville serait demeurée ensevelie dans les sables du temps s’il n’y avait eu le XXIe siècle, et ses formidables prouesses technologiques. Commandés par les scientifiques, les drones ont survolé et quadrillé la zone dans ses moindres recoins, jusque-dans ces champs de cultures. Des champs qui ont immédiatement attiré l’attention des archéologues par les différentes couleurs qui les parsemaient…

« Le drone nous a rapporté d’excellentes informations »

McGinnis et son équipe se sont adonnés à une activité complètement délaissée par l’archéologie mésopotamienne : l’analyse des marques laissées par les cultures. Ils en ont déduit qu’une partie de ces cultures reposaient sur des murs souterrains, ce qui explique la teinte si particulière de certains épis de blé et d’orge. Les investigations se poursuivent : les chercheurs ont mis à jour les fondations d’un certain nombre de bâtiments, dont un mur fortifié et des pressoirs en pierre, sûrement utilisés pour la confection de vin et d’huile. Le site fourmille de trouvailles : des tuiles de toits, des statues d’Adonis et Perséphone, et une pièce de monnaie à l’effigie du roi Parthe Orodes II, qui régnait entre 57 et 37 avant J.-C.

Les origines exactes de la ville demeurent un mystère : sa création du temps d’Alexandre le Grand reste probable mais pas avérée. L’équipe scientifique qui a déterré les statues gréco-romaines n’est pas encore certaine de la date précise à laquelle ces reliques ont été confectionnées. Les fouilles devraient se poursuivre d’ici 2020, et peut-être, nous en apprendre un peu plus sur cette « probable » ville de soiffards !

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